mercredi 14 décembre 2011

Oasis Interdites, Ella Maillart

Ella Maillart naît le 20 janvier 1903 à Genève, elle est voyageuse, écrivain & photographe.
Elle effectue son premier voyage en Russie en 1930 et parcourt l'Asie centrale russe en 1932 (Des Monts célestes aux sables rouges, 1934). En 1934, le Petit Parisien l'envoie au Mandchoukuo, elle y rencontre l'anglais Peter Fleming & se lance en 1935 dans un périple de 6000 kilomètres (Oasis Interdites). En 1937, elle traverse l'Inde, l'Afghanistan, l'Iran & la Turquie en tant que reporter. De 1940 à 1945, elle passe 5 ans en Inde auprès de maîtres de sagesse ('Ti Puss). De retour en Suisse, elle se fait construire un chalet & vit en solitaire. De 1957 à 1987, elle devient guide culturel & fait découvrir plusieurs pays d'Asie à de petits groupes. Elle meurt le 27 mars 1997.

Ainsi, Ella Maillart en janvier 1935 est au départ à Pekin. Elle est en proie à la terrible bureaucratie chinoise & aux valeurs qui représentent un autre monde. Rapidement, elle s'alliera dans son projet à Peter Fleming, journaliste au Times, afin de mettre les meilleurs chances de leurs côtés. Il s'agit de traverser la Chine de part en part, en empruntant l'itinéraire interdit: du Koukou Nor vers le Sinkiang pour fouler les monts Célestes & redescendre en Inde par le Cachemire. Le périple se fera en train, en camion, en caravane, à dos de cheval & de chameau.

Ella Maillart a le don d'esquisser des solitudes, celui de vouloir comprendre les civilisations, d'aimer les gens & les bêtes. Elle parcourt des régions incroyablement différentes & hostiles, et s'acclimate à chaque endroit avec une aisance déconcertante. Ella Maillart est un modèle de voyageuse, ouverte & disponible et c'est une solitaire incroyablement généreuse.

"Je suis resté dans l'ombre bénéfique de cette lecture longtemps après l'avoir achevée. Je crois que le principal mérite de ce récit magnifique est d'être aussi un livre heureux", Nicolas Bouvier.

Notes biographiques issues de www.ellamaillart.ch & de http://fr.wikipedia.org/wiki/Ella_Maillart.

vendredi 9 décembre 2011

Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, Haruki Murakami

Cet autoportrait est le deuxième ouvrage que je lis de Murakami. C'est un auteur japonais résoluement moderne, et pour cause, il a beaucoup voyagé & a habité dans divers pays, dont les Etats Unis.

Tout est dit dans le titre: ceci est un autoprotrait, mais d'un autre genre: ciblé sur un aspect particulier de la vie de l'auteur, la course à pied. En réalité Murakami ne fait pas de gros plan sur cette facette, il s'en sert plutot comme focus, pour donner à comprendre le reste avec plus de transparence.

A travers ses prouesses sportives, on entrevoit le prisme de l'auteur: ce que la course apporte à l'écriture & inversement.

Murakami possédait un club de jazz dans Tokyo. Lorsqu'il décide de se consacrer à l'écriture, il vend le club. Désormais, il a le temps d'écrire, mais il fume & mange tout autant. Sans contrainte d'horaires, totalement libre de son temps, il lui faut trouver quelque chose pour se cadrer, une activité qu'il pourrait pratiquer dans n'importe quel pays au gré de ses voyages & qui nécessite peu de matériel.
Voilà comment il s'est mis à courir des dizaines de kilometres tous les matins & s'imposant même le premier marathon (celui qui relie Athènes à la ville de Marathon, en 42 km).

Ce livre s'avère être une vision intéressante & finalement toute japonaise de l'existence.

mardi 6 décembre 2011

Vin chaud

1 litre de vin
130 gr de sucre
miel
cannelle
muscade rapée
orange en quartiers
gingembre
clous de girofle
raisins secs
amandes effilées
jus de citron
étoiles de badiane

Laissez bouillir une fois et reposer. Rechauffez avant de servir.

L'autre face de la lune, écrits sur le Japon, Claude Lévi-Strauss

Corpus de conférences & d'essais donnés sur le Japon par l'anthropologue Claude Lévi-Strauss. Le maître exprime les difficultés qu'il rencontre dans sa propre discipline, les problèmes que cause la compléxité & les différences des civilisations.

Il confie également son attirance & son attachement à la culture japonaise, bien qu'il ne s'y soit rendu très tardivement. Enfant, son père récompensait ses succès scolaires en lui offrant des estampes. Peu à peu, le carton de son père se vida au profit du sien: la passion était née.

Claude Lévi-Strauss admire particulièrement le Japon par son ambivalence. Ce pays a su conserver ses traditions les plus anciennes tout en devenant une grande puissance mondiale que ce soit au niveau financier, commercial, politique. Il a su s'adapter aux exigences modernes sans pour autant renier sa culture archaïque, confondant les deux en un savant mélange.

Le Japon restera pour lui pendant longtemps un lieu parcouru uniquement par l'imaginaire des lectures & des dessins. Ce petit recueil s'avère être une très bonne & belle introduction à l'oeuvre du grand savant.

"Il y aura bientôt un demi-siècle, en écrivant Tristes Tropiques, j’exprimais mon anxiété devant les deux périls qui menacent l’humanité : l’oubli de ses racines et son écrasement sous son propre nombre. Entre la fidélité au passé et les transformations induites par la science et les techniques, seul peut-être de toutes les nations, le Japon a su jusqu’à présent trouver un équilibre. "



dimanche 4 décembre 2011

Petit traité sur l'immensité du monde, Sylvain Tesson

Ce livre est une apologie de la solitude, du vagabondage, de la nature. Sylvain Tesson souligne la beauté du monde, de la forêt, de la montagne. Il pense que l'on ne peut accèder à cette vision de la beauté ultime que seul & en marchant.

Comme toujours l'écriture de Sylvain Tesson est douce & régulière. La justesse des mots, la poésie des images, l'humour est semé partout. Il reflète en tout point la contradiction propre à l'être humain: il a par exemple l'envie profonde de solitude, mais ses voyages sont aussi prétexte à la rencontre des autres peuples & autres waldganger (celui qui court aux forêts en allemand, les vagabonds).

Parmis les sources qui ont nourri sa soif de solitude, de vagabondage & de grands espaces, il cite Goethe & Jünger bien sur, Valery, Nietzsche, Kerouac, Tolkien, Hamsun... La seule grande absente est Ella Maillart, même lorsqu'il se rend aux confins des Monts Célestes.

Il part à la découverte d'une autre façon de vivre: rebelle, en marge & solitaire. Pour autant, il n'en devient pas égoïste: on trouve un plaidoyer emporté sur la condition des femmes à travers le monde. Il ne veut pas être humaniste dans ce monde là, car partout où il regarde, une moitié de la population asservie & réprime l'autre moitié. Il remarque avec désespoir qu'aucun animal ne traite les femelles de son espèce de façon aussi abjecte; il en est dégouté de l'homme & du genre humain.

Rejetter les hommes mais se nourrir de lectures, encore une contradiction de Sylvain Tesson... "Ma porte est ouverte à tout le monde du moment que personne ne passe".

J'apprécie particulièrement Sylvain Tesson pour son écriture & pour ses thèmes, d'autant plus qu'il ne nourrit pas un regret puéril pour le passé, pas de "c'était mieux avant" bien que la civilisation moderne & les moeurs de notre siècle le rebutent.

vendredi 2 décembre 2011

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson


Sylvain Tesson passe six mois, de février à juillet 2010, dans une cabane au milieu de la Sibérie, au bord du lac Baïkal. Le but de cette retraite est de trouver une "paix intérieure": celle qui lui manque pour être serein avec le monde qui l'entoure. Comme bien d'autres avant lui, il fuit la civilisation pour retourner à l'état de nature, et relate cette expérience dans ce récit de "voyage", jour après jour.

Tesson est habité par une volonté de ne plus exister pour la civilisation, de se recentrer sur lui-même, de ne plus rien "peser" sur la nature, de se fondre dans celle-ci: il passe ces six mois quasiment seul. Son quotidien est parfois ponctué de visite de lointains voisins, d'amis, de loups, d'ours & de mésanges...

Le matin, il lit (une soixantaine de livres composent sa bibliothèque sibérienne). L'après midi, il se promène, coupe du bois; le soir il écrit & se réchauffe à la vodka.

Ce qui est surprenant à cette lecture, c'est de constater que les idées reçues tombent. A priori, mon rêve ultime n'est pas de partir à l'aventure dans des conditions extrêmes & spartiates, seule au milieu d'une jungle glacée. Mais quand je suis plongée dans ces récits, ceux de Sylvain Tesson, d'Ella Maillart, de Nicolas Bouvier, il se réveille un instinct, un désir de vivre ces choses, et mes certitudes s'envolent... Je me prends alors à rêver de fuir au fin fond de la Sibérie, de débiter du bois, de me nourir de poissons, de livres & de vodka...

L'étrange pouvoir des livres de vous révéler tel que vous ne vous connaissiez pas & d'abattre les certitudes les plus ancrées.